GYNÉCOLOGIE ET SANTÉ DES FEMMES
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L'OFFRE DE SOINS
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Gérard Levy
Pour réfléchir sur l'avenir de l'obstétrique au cours des vingt années à venir, il faut prendre en compte un certain nombre d'évolutions de la société.
La première grossesse survient à un âge de plus en
plus avancé.
Ceci tient à de multiples facteurs : bien des femmes font des études
longues ; nombreuses sont celles ayant une activité professionnelle
qui risque d'être compromise par l'installation d'une grossesse. Cette
préoccupation est réelle à une époque où
le chômage est encore important, même si les lois sociales
protègent en principe la femme enceinte de la perte de son emploi.
Les couples souhaitent souvent s'installer confortablement dans l'existence avant d'envisager la venue d'un enfant.
La contraception permet de maîtriser la fécondité : "un
enfant si je veux, quand je veux".
À l'arrêt de la contraception lorsque la grossesse ne s'installe
pas dans un délai très bref, l'anxiété
apparaît. À la place d'une dose de légitime patience
la prise en charge médicale, de ce qui n'est que physiologique, surgit
trop rapidement avec des effet iatrogéniques qui auraient pu et dû
être évités.
Cette grossesse qui survient souvent tardivement est l'objet de toutes
les préoccupations.
Ce qui était jadis vécu sereinement comme un processus normal
est bien souvent désormais source d'anxiété. L'information
surabondante et très largement médiatisée sur le
déroulement de la grossesse et de l'accouchement avec toutes leurs
complications possibles y contribue largement. L'information est certes
souhaitable, mais comme toute médaille elle a son avers et son revers.
Les plaintes au pénal ou au tribunal administratif, en cas
d'anomalie, ont tendance à devenir plus nombreuses. Cette
"judiciarisation" a une double conséquence :
l'information de plus en plus complète des femmes enceintes,
telle que les juristes l'exigent désormais, ne va pas sans risque
d'augmenter l'anxiété dont nous parlions tout à
l'heure,
l'hésitation des étudiants à se diriger vers
une spécialité déjà par ailleurs astreignante
et contraignante.
Le décor étant planté nous allons envisager quelques-unes des questions qui se posent et les réponses à y apporter.
Par qui doit-il être fait ?
Sages-Femmes, médecins généralistes, médecins
spécialistes ?
Pour répondre à cette question un certain nombre de points
doivent être rappelés.
La diminution du nombre de spécialistes est préoccupante.
C'est pour cette raison qu'une filière d'internat spécifique
à la gynécologie obstétrique a été
créée en 1999. Le nombre de spécialistes formés
sera ainsi progressivement augmenté de 30 par an pendant trois ans,
pour rester ensuite étalé (la même mesure a d'ailleurs
été prise pour les pédiatres et les anesthésistes
réanimateurs).
Une autre manière de pallier à la pénurie de spécialistes est de confier aux sages-femmes et aux médecins généralistes la surveillance des grossesses normales comme cela se pratique dans bien d'autres pays. Les sages-femmes y sont parfaitement préparées ; les généralistes le seront également lorsque la réforme des études du troisième cycle de médecine générale sera mise en place (rentrée universitaire 2000).
Le travail en réseau doit donc déjà s'installer en amont de l'accouchement orientant vers les spécialistes les seules grossesses pathologiques.
Tant en ce qui concerne la mortalité maternelle que la mortalité
périnatale, la France n'est pas en tête de peloton, parmi les
pays européens, loin s'en faut.
Aussi un certain nombre de mesures ont-elles été prises pour
l'améliorer.
Mortalité maternelle
Un comité national d'experts sur la mortalité maternelle a
été mis en place par voie réglementaire en 1995.
Ce comité recense tous les cas de mort maternelle, analyse leurs causes et leur évitabilité. Les résultats de cette analyse font l'objet d'un rapport triennal qui a valeur pédagogique comme cela a été démontré en Angleterre où ce type de travail est effectué depuis de très nombreuses années.
Mortalité périnatale
Elle sera améliorée par un meilleur suivi de la grossesse.
Le nombre de consulations prénatales a en effet augmenté, il
est actuellement de neuf pour une grossesse normale.
La sécurité périnatale a été renforcée
par les décrets publiés en octobre 1998 qui fixent les normes
minimales d'organisation et de fonctionnement des maternités publiques
et privées.
Ainsi la présence sur place 24 h/24 dans les maternités assurant
plus de 1500 accouchements par an d'un gynécologue obstétricien
et d'un anesthésiste réanimateur permettra une prise en charge
immédiate correcte des urgences.
Les maternités devront s'organiser en réseau afin que toutes les femmes accouchent dans l'endroit où les soins les plus appropriés pourront leur être apportés à elles et à leurs enfants.
Les maternités qui font moins de 300 accouchements devront sauf exception être fermées ou se regrouper.
Cette mesure fait en permanence l'objet de prises de positions contestataires totalement irrationnelles. La proximité et la sécurité ne peuvent aller de pair.
Nous avons déjà souligné le manque de spécialistes... Est-il raisonnable alors de les éparpiller dans les sites à faible activité où ils seront de garde un jour sur deux, ce que nul professionnel n'accepte plus ?
Par ailleurs avec un rythme de travail faible demeure-t-on longtemps performant et efficace ?
Signalons pour inviter à la réflexion qu'en Suède, où les indicateurs de la qualité de soins en périnatalité sont les meilleurs d'Europe, il y a dix fois moins de maternités qu'en Île-de-France pour un nombre d'accouchements identique ! Sans commentaire...
C'est dans cette catégorie que le suivi de la grossesse laisse le plus à désirer...
Le vote de la loi sur la couverture maladie universelle va certainement améliorer cet état de fait.
Mais encore faut-il renforcer les structures de protection maternelle et infantile. Elles sont sous la dépendance des conseils régionaux et les disparités d'une région à l'autre sont étonnantes...
Dans ces populations il convient également de porter une attention particulièrement vigilante à l'installation de la relation précoce entre la mère et son nouveau-né qui conditionne, on le sait désormais fort bien tout l'avenir de l'enfant.
Il est donc nécessaire de renforcer les structures de pédo-psychiatrie.
Encore faudra-t-il veiller à ce que leur mise en place fasse l'objet
d'un accompagnement financier suffisant et d'une modification des habitudes
médicales. Le travail en réseau suppose de la part de tous
une idéologie nouvelle qui place la femme enceinte au centre du
système de soins, où chaque médecin respecte l'autre
et où le fait de référer ne soit plus vécu comme
un signe d'incompétence mais tout au contraire considéré
comme un signe de compétence. Ce travail en réseau va être
facilité par l'outil nouveau que constitue la
télémédecine.
La version sur papier de
cet ouvrage a été réalisée par : Editorial Assistance - 18, rue Camille-Desmoulins - 92300 Levallois-Perret - Tél. : 01 41 34 02 60 © 2000, Jean Cohen, Patrick Madelenat, Rachel Levy-Toledano - ISBN 2-86911-958-5 Diffusion : Eska - 12, rue du 4-septembre - 75002 Paris - Tél. : 01 42 86 56 00 - Fax : 01 42 60 45 35 Diffusion sur l'internet : CNGOF (Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français) (30 mai 2000) |