GYNÉCOLOGIE ET SANTÉ DES FEMMES
 
LA DEMANDE DE SOINS

Réflexion

Les MST

Philippe. G. Judlin

En 1998, l'OMS estimait à 333 millions le nombre de cas de maladies sexuellement transmissibles (MST) – infection à VIH exclue – dans le monde. Ce chiffre parle de lui-même : à la veille du troisième millénaire, les MST constituent une préoccupation majeure de santé publique à l'échelle mondiale. La situation est certes très variable d'un pays à l'autre et les pays développés peuvent sembler moins concernés. Néanmoins, en 1998, on enregistrait aux USA 12 millions de chlamydioses, 1 million d'infections à papillomavirus (HPV), 700 000 cas d'herpès génital, 600 000 gonococcies. Dans ce même pays, le coût de la prise en charge des salpingites résultant de ces MST et de leurs conséquences était évalué à 10 milliards de dollars pour l'année 2000.
L'analyse de la situation française est plus difficile, faute d'une véritable culture de santé publique et nous ne disposons d'aucun chiffre précis. On ne peut que déplorer l'absence de registre des MST et le manque d'études épidémiologiques à grande échelle. Actuellement, seuls les centres de planification prévoient le dépistage et la prise en charge des chlamydioses (loi Calmat 1990). Cette situation est fort heureusement en train de changer.
Une constante est retrouvée dans tous les pays : les victimes privilégiées des MST sont les sujets jeunes et très jeunes (15 à 25 ans surtout) et les populations les plus défavorisées. Le type de comportement sexuel constitue un facteur beaucoup plus déterminant que le niveau économique.

La situation actuelle en France

À défaut de disposer de chiffres précis, un état des lieux peut cependant être ébauché.

Les points positifs

Les MST bactériennes "classiques" – représentées essentiellement par C. trachomatis et N. gonorrhoeae – ont vu leur fréquence baisser depuis une quinzaine d'années.
L'incidence actuelle de C. trachomatis dans la population française est d'environ 3 % à 5 % et les gonococcies sont devenues rares. Cette baisse est due à l'amélioration des conditions socio-économiques – et donc de l'hygiène – et surtout à la prise de conscience , pour ne pas dire la peur – suscitée par l'apparition de l'infection à VIH. L'utilisation du préservatif, jusque-là marginale, s'est développée de façon significative. La persistance, ou la réapparition, d'une frange de population marginalisée n'a pas, semble-t-il, enrayé de façon significative cette baisse des MST bactériennes, contrairement à ce qui a été observé dans les pays d'Europe de l'Est.

Les points négatifs

Perspectives d'avenir

Si prédire l'avenir s'avère toujours difficile en médecine (qui aurait imaginé l'apparition du Sida ?), il est néanmoins possible d'indiquer quelques perspectives concernant les MST, de faire des propositions quant à leur prise en charge.

Perspectives thérapeutiques

Les traitements curatifs ne devraient pas connaître, dans un avenir proche, de grands bouleversements. Nous disposons d'ores et déjà d'antibiotiques actifs vis-à-vis des MST bactériennes et il ne semble pas que des progrès significatifs soient à attendre. En revanche aucune thérapeutique capable d'éradiquer les maladies virales sexuellement transmissibles telles que HSV ou HPV ne sera disponible à une échéance prévisible. Signalons cependant la voie intéressante ouverte par des molécules comme l'imiquimod qui agit comme un immuno-modulateur en renforçant les défenses immunitaires locales vis-à-vis des HPV.

Devant ce statu quo thérapeutique, la recherche sur les vaccins prend un intérêt particulier. Des vaccins vis-à-vis de C. trachomatis sont à l'étude, qui semblent déclencher une réponse immunitaire protectrice chez l'animal [3]. Des vaccins assurant une protection contre les infections à HPV (principalement les HPV cancérigènes comme l'HPV 16) sont aussi en expérimentation et devraient être disponibles dans quelques années. Il s'agira d'une avancée majeure pour venir à bout de cette MST virale très répandue et conséquemment faire reculer l'incidence du cancer du col utérin. La vaccination – préventive ou thérapeutique – vis-à-vis des virus de l'herpès est également à l'étude (pas moins de cinq modes d'action différents ont été proposés) et certains comme les DISC semblent prometteurs.

Au total, il apparaît que la voie vaccinale est la plus adaptée au challenge que constituent les MST qui, rappelons-le, concernent avant tout les pays en voie de développement. Malgré l'importance de la recherche dans ce domaine, des inconnues subsistent concernant en particulier les vaccins vis-à-vis de virus à ADN comme l'HSV car le risque mutagène par intégration d'ADN viral au génome n'est pas totalement écarté.

Propositions pour une véritable politique de santé publique

À l'aube du xxe siècle, les perspectives thérapeutiques nouvelles que nous venons de passer en revue s'avèrent limitées et finalement mal adaptées face à l'ampleur de la question. Seule l'élaboration d'une véritable politique de santé publique nous semble constituer une réponse adéquate. Voici quelques propositions, non exhaustives, qui pourraient figurer dans un plan d'action de grande envergure :

– disposer d'un état des lieux par le biais d'études épidémiologiques destinées à déterminer l'incidence des principales MST et le profil des groupes à risque ;

– élaborer une politique d'information et d'éducation sur les MST. Cela passe notamment par la mise en place d'un programme scolaire (école, collège, lycée) traitant de la physiologie (l'ovulation...), la sexualité, la contraception et des MST. Une politique de formation et d'information est un préalable indispensable à toute campagne de prévention visant notamment à élargir l'utilisation du préservatif ;

– mettre en place une politique de dépistage visant les groupes à risques : recherche de C. trachomatis par screenings urinaires chez les adolescentes (lycées, universitésŠ), dépistage des femmes enceintes à risque vis-à-vis de primo-infection herpétique (voire aussi infection à CMV ?), recherche et typage des HPV en cas de frottis cervical pathologique ;

– créer, à l'image des STD cliniques anglo-saxonnes, des centres régionaux de référencede MST, chargés du suivi épidémiologique et de la coordination des différentes structures existantes de dépistage (DAV, CDAG...).

La mise en place d'un plan d'action concerté devrait constituer une priorité nationales si la France veut véritablement prendre en charge de façon efficace et moderne le fléau que constituent toujours les MST.

Bibliographie

[1] Ripa T. Epidemiologic control of genital C. trachomatis infections. Scand J Infect Dis Suppl 1999; 69:157-67.

[2] Malkin JE, Prazuck T, Bogard M, Bianchi A, Cessot G, De Fanti AS, Baldin A, Bohbot JM, Halioua B, Lafaix C. Screening of Chlamydia trachomatis genital infection in a young Parisian population. Sex Transm Inf 1999;75 :188-189.

[3] Su H, Messer R, Whitmire W, Hughes S, Caldwell HD. Subclinical chlamydial infection of the female mouse genital tract generates a potent protective immune response : implications for development of live attenuated chlamydial vaccine strains. Infect Immun 2000; 68:192-6.

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© 2000, Jean Cohen, Patrick Madelenat, Rachel Levy-Toledano - ISBN 2-86911-958-5
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Diffusion sur l'internet : CNGOF (Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français) (30 mai 2000)